Fiscalité, Innovation
[FISCALITE DEVELOPPEMENT DURABLE] Le C3IV, nouveau levier fiscal en faveur de la transition énergétique
Date de publication : 24/01/24
Le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) a publié fin 2023 les données statistiques relatives au bilan de la recherche en France pour l’année 2021. Cette publication découle de la réalisation de deux enquêtes. La première enquête traite des dépenses intérieures R&D pour l’année 2021 en France, tandis que la seconde se concentre sur l’analyse du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) de la même année.
Quels sont les faits marquants de l’évolution du CIR en 2021 ? En quoi le Crédit Impôt Innovation (CII) a-t-il consolidé son attrait pour les PME ? Quel avenir pour le Crédit Impôt Collection (CIC) ? Quels sont les secteurs qui en bénéficient le plus et quelle répartition géographique ? Quelles perspectives pour le CIR ?
Pour rappel, le dispositif CIR a fêté ses 40 ans en 2023. Ce dispositif fiscal pour la Recherche, le développement et l’innovation (R&D&I) est très incitatif et plébiscité par les entreprises depuis longtemps. Principale niche fiscale pour les entreprises (déduction de l’impôt sur les sociétés de 30% de leurs investissements en R&D, dans la limite de 100 M€ d’investissements et 5% au-delà), elle permet selon elles de maintenir, voire d’accroître, l’effort de R&D en France pour innover et se différentier du marché.
L’enquête analyse les déclarations 2069A des dépenses de Recherche des entreprises en France qui comprennent la R&D (dispositif CIR pour tout secteur et toute taille d’entreprise), l’Innovation (dispositif CII, réservé aux PME) et la Collection (dispositif CIC réservé au secteur textile).
L’année 2021 marque, comme depuis la création du dispositif, une augmentation de la créance du CIR déclarée qui atteint 7,2 Md€. A titre de comparaison, la créance était de 5,4 Md€ il y a 10 ans (soit 33% entre 2011 et 2021). En 2020, la créance était de 6,9 Md€ (soit 5% entre 2011 et 2021). Rappelons le caractère exceptionnel de l’année 2020 marquée par la baisse inédite depuis 40 années de la créance en lien avec la crise sanitaire mais aussi la baisse des frais de fonctionnement sur le personnel R&D qu’a instaurée la loi de finances pour 2020.
Le CIR représente encore en 2020 la majorité de la créance pour 6,85 Md€ (95%), suivi du CII pour 360 M€ (5%) et enfin du CIC pour 29 M€ (<0,5%).
Pour se donner un ordre de grandeur parmi les dispositifs de soutien à la R&D&I, il est utile de rappeler que :
Le nombre de bénéficiaires du CIR est assez stable et atteint 23 000 (PME, ETI, Grandes Entreprises) et la créance se répartit assez équitablement entre les 3 tailles d’entreprises : 42% pour les GE, 27% pour les ETI et 31% pour les PME.
Enfin, la dépense de personnel (chercheurs et techniciens qui travaillent sur les projets de R&D&I) est logiquement la plus représentée comme chaque année avec 79% des coûts déclarés si l’on considère les frais de fonctionnement adossés. Vient ensuite la sous-traitance avec près de 8% des dépenses. A noter que 2021 était la dernière année où l’assiette des dépenses des prestations publiques pouvait être doublée.
Pour rappel, le dispositif CII est réservé aux seules PME communautaires depuis 2013, dans la limite de 400 000 € par an de dépenses et à un taux de 20% (jusqu’en 2022).
Le CII qui n’a que 10 ans, confirme son pouvoir de séduction auprès des PME auxquelles il est réservé. En effet, il a été multiplié par 4 depuis sa création il y a 10 ans.
Plus particulièrement, les entreprises de services représentent 80% des bénéficiaires, dont 61% pour les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC). Cette prédominance du secteur des services dans le CII semble liée à la nature même des activités des PME françaises, puisque même dans le CIR, les services représentent 69% de la créance pour les PME.
40% des PME déclarent à la fois du CIR et du CII, les 2 dispositifs n’étant pas exclusifs et ayant chacun leur propre périmètre d’activités. Ainsi, 14 612 PME bénéficient du CIR et 10 062 bénéficient du CII. On atteint un taux record de 84% de bénéficiaires qui sont des PME vs les autres tailles d’entreprises. La créance globale CIR et CII pour les PME a progressé de 2 points par rapport à 2020 : les PME représentent 31% du montant du CIR en 2021.
Enfin, 88% des PME bénéficiaires ont moins de 50 salariés (12% entre 50 et 249 salariés).
Le Crédit Impôt Collection (CIC), pour rappel, concerne depuis près de 30 ans les dépenses de collection dans les secteurs du textile, de l’habillement et du cuir pour l’élaboration de nouvelles collections, au taux de 30%.
La créance en 2021 est faible : 29 M€. Elle a été divisée par 2 en 10 ans. Cette créance est partagée entre 777 déclarants soit 37 k€ par déclarant. La créance du CIC est plafonnée à 200 k€ par période de 3 ans (règles des aides de minimis).
La créance du CIC subit une baisse mécanique directement liée à l’effondrement du secteur textile depuis plusieurs années. Rappelons aussi les nombreuses jurisprudences défavorables aux entreprises qui rendent le dispositif moins attractif ; elles concernent :
La répartition sectorielle du CIR est assez stable depuis quelques années avec une domination de l’industrie manufacturière qui représente 60% de la créance. Les 6 premières branches sont l’électricité et l’électronique (15%), le pharmaceutique (12%), l’aéronautique (7%), l’automobile (7%), la chimie (5%) et la mécanique (4%).
86% de la créance est concentrée dans 4 régions : l’Ile de France (65%), l’Auvergne Rhône-Alpes (10%), l’Occitanie (6%) et PACA (5%).
Ces résultats sont logiquement liés à ceux de la dépense R&D en 2021.
Le dispositif CIR a été sanctuarisé. La créance devrait continuer à progresser sur 2022, 2023 et 2024, les lois de finances respectives n’ayant pas fait évoluer le dispositif de façon majeure.
A partir de 2022, le doublement des prestations publiques prend fin, laissant place au nouveau dispositif dédié aux collaborations de recherche avec des organismes publics, le Crédit Impôt Recherche Collaborative (CRC). Ce dernier devrait compenser partiellement la baisse de la créance. Le dispositif du CRC a eu peu de bénéficiaires en 2022 puisqu’il est très contraint quant au contrat de collaboration nécessaire entre le bénéficiaire et l’organisme public.
Les débats sont houleux à l’assemblée chaque année sur le CIR. Certains voudraient recentrer le dispositif vers les PME ou les projets pour la transition écologique (CIR vert), d’autres voudraient en exclure certains secteurs (Finance) et d’autres encore interrogent le plafond : diminuer le plafond des 100 M€, plafonner le budget de l’Etat à 6 Md€ ou plafonner au niveau du groupe. De plus, on parle de supprimer les dépenses de veille/brevet ou le statut particulier du Jeune Docteur. Chaque année, un rapport sur le CIR est commandé pour alimenter les débats. Restons attentifs, le CIR a encore de beaux jours devant lui.
Contrairement au CIR, le CII a une portée limitée dans le temps : créé en 2013, il a été prorogé jusqu’en 2024. Dès 2023, le taux va être porté à 30% au lieu des 20% actuels mais avec une suppression des frais de fonctionnement ; l’impact sur la créance devant être neutre.
Le dispositif devrait poursuivre sa croissance comme celle des PME. En 2021, la créance du CII moyenne est de 36 k€ par PME, ce montant devant être rapproché du plafond du CII prévu par le dispositif de 80 k€ par entreprise en 2021. Ainsi, les entreprises disposent-elles, selon nous, d’une belle marge de progression dans l’innovation produit et son financement par le CII ; d’autant plus que le plafond passera à 120 k€ dès 2023.
Nous redoutons que ce dispositif ne soit pas prorogé après 2025 alors que les PME innovantes sont celles qui créent aujourd’hui le plus d’emplois en France. Malgré certains amendements déposés à ce sujet dans le cadre de la loi de finances pour 2024, il n’a pas été prorogé avec un an d’avance et figurera sans doute dans les débats pour la loi de finances pour 2025. Même si le CII venait à être prorogé, les entreprises en seraient informées tardivement, alors que les projets d’innovation et leurs budgets sont décidés bien à l’avance. De plus, en tant que PME, les entreprises sont habituées à bénéficier du remboursement immédiat de la créance (aide indispensable à la trésorerie pour les plus fragiles). Ainsi, il serait difficile de se projeter au-delà de 2024.
Auteure : Véronique Collin, expert Fiscalité de l’Innovation
Le CIR en 2021 (données provisoires), MESR-DGRI, novembre 2023
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