[FISCALITE INNOVATION] Notre analyse des évolutions de la loi de finances pour 2024

Date de publication : 24/01/24

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Le Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et le Ministre délégué chargé des Comptes publics avaient présenté mercredi 27 septembre 2023, en Conseil des ministres, le projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Le PLF 2024 avait pour principaux objectifs la lutte contre l’inflation, la baisse du déficit public qui s’inscrit dans la trajectoire de retour sous les 3% à horizon 2027, et l’investissement pour la transition écologique.

S’en sont suivis trois mois de débats, d’amendements et de 49.3 pour aboutir à la promulgation de la loi de finances (LoF) pour 2024. La plupart des dispositions sont applicables dès 2024. Quelles sont celles qui concernent la Fiscalité de l’Innovation ? Le Crédit Impôt Recherche (CIR) reste-t-il dans sa forme actuelle et le restera-t-il ? Quelles opportunités pour les Jeunes Entreprises Innovantes (JEI) ? Quel avenir pour le Crédit Impôt Innovation (CII) ? Quel est ce nouveau Crédit d’Impôt en faveur des Investissements Verts (C3IV) ? Quels dispositifs prorogés ?

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La Loi de Finances 2024 – Synthèse

Le CIR résiste, malgré les nombreuses propositions discutées pour le raboter encore

Pour mémoire, le CIR est depuis 40 ans le dispositif fiscal le plus incitatif pour financer la recherche et l’innovation (R&D) dans les entreprises. Il leur permet de déduire de leur impôt 30 % de leurs investissements R&D, ce qui favorise le maintien de l’effort R&D en France.

Chaque année, lors des débats à l’assemblée, les critiques sont nombreuses et les propositions de limitations, voire de suppression sont omniprésentes. Alors que l’année précédente, les débats étaient axés sur la création d’un CIR vert, cette année auront vu le jour plusieurs amendements pour :

  • exclure le secteur de la finance (codes NACE 64, 65 et 66) qui bénéficierait de rendements supérieurs du CIR
  • créer un 3ème taux (15% au lieu de 30% actuel) pour la tranche 50-100 M€ de dépenses (diminution du CIR des Grands établissements),
  • abaisser les plafonds (au niveau du groupe ou passer de 100 à 50 M€),
  • faire rembourser leur CIR à certaines entreprises bénéficiaires (en cas de superprofit dans le pharmaceutique ou lorsque le personnel de recherche est licencié),
  • limiter le budget de cette dépense fiscale à 6 Md€ par an,
  • et enfin supprimer totalement le dispositif lui-même.

Les derniers chiffres du MESR (2021) portent à 7,2 Md€ le coût du CIR. Les principaux débats depuis 3 années visent à en limiter les coûts et à le recentrer vers les PME et vers des projets en lien avec la transition écologique.

Le rapporteur général du budget a réaffirmé cette année vouloir maintenir le CIR sous sa forme actuelle. Ainsi, rien à signaler pour 2024 sur le dispositif CIR. Une réforme couve cependant et des évolutions sont à prévoir pour 2025. Notons qu’on attend le rapport commandé lors de la précédente LoF sur l’identification des verrous et les pistes de solution en lien avec l’instauration d’un CIR vert.

L’article 209 mentionne enfin la commande au gouvernement d’un (énième) rapport sur le CIR concernant les moyens à mettre en œuvre pour éviter que les dépenses éligibles soient réalisées hors UE. Ce sont plutôt les grands groupes avec filiales qui sont visés ici. Le rapport doit être remis avant le PLF 2025, donc au plus tard en septembre 2024.

On reste donc, pour l’année 2023 et 2024, sur un dispositif CIR avec un taux de 30% des dépenses éligibles, avec frais de fonctionnement et un plafond des dépenses à 100 M€ (5% au-delà).

Il faudra encore attendre pour que le CII soit prorogé

Pour rappel le dispositif Crédit Impôt Innovation (CII) est réservé aux seules PME communautaires, depuis 2013, dans la limite de 400 000 € par an de dépenses et à un taux de 30% (depuis 2023). Le jeune dispositif séduit : la créance totale CII a été multipliée par 4 depuis sa création il y a 10 ans. Les derniers chiffres du MESR (2021) portent à 360 M€ le coût du CII.

Contrairement au CIR qui a été sanctuarisé, le CII a une portée limitée dans le temps (dispositif effectif jusque 2024 inclus).

Deux amendements ont été proposés par le Sénat pour proroger avec un an d’avance le dispositif pour 2025 et au-delà, et également en doubler le plafond. Malheureusement, il faudra attendre la LoF pour 2025 pour miser sur l’avenir du CII avec son éventuelle prorogation.

Il va être ainsi difficile, pour les PME, de se projeter au-delà de 2024 puisqu’il n’y a aucune certitude ce jour que le dispositif soit prorogé. Cette insécurité n’est pas méritée si on considère que les PME innovantes sont les entreprises créant le plus d’emplois. Enfin, l’octroi du CII est associé à un remboursement immédiat de la créance pour les PME ; donc la fin du dispositif amplifierait les problèmes de trésorerie pour les plus fragiles de nos PME.

On reste donc pour l’année 2023 (et 2024) sur un dispositif CII avec un taux de 30% des dépenses éligibles, sans frais de fonctionnement et un plafond de CII à 120 k€ (plafond de dépenses à 400 k€).

Le dispositif JEI étendu : grand gagnant de cette LoF en matière de soutien à l’investissement

Pour rappel le dispositif Jeune Entreprise Innovante (JEI) est réservé aux PME de moins de 8 ans, indépendantes, nouvelles et qui ont un minimum de dépenses R&D (au sens du CIR) de 15% de leur dépenses totales (seuil R&D). Il permet des exonérations de charges patronales (volet social) et des exonérations d’impôt sur les bénéfices (volet fiscal). Le budget annuel est de 260 M€ pour le seul volet social. C’est un dispositif plébiscité par les start-ups et PME innovantes, valable pour les entreprises créées jusqu’au 31 décembre 2025.

Le député Paul Midy, dans son rapport remis le 13 juin 2023 relatif à sa mission de 6 mois pour le soutien à l’investissement dans les start-ups, a proposé la réforme de ce dispositif pour la première fois en 20 ans depuis sa création en 2004. Un des blocs de ses mesures concernait la création d’un dispositif Jeunes Entreprises dès 2025, incluant les JEI actuelles, les JEIC (JEI de Croissance, seuil à 5%) et les JEIR (JEI de Rupture, seuil à 30%). Ses propositions, après de nombreux débats, n’ont été que partiellement intégrées à la loi de finances 2024 (articles 44 et 48).

Ainsi, dès 2024, on assiste à un renforcement du dispositif IR-PME comme aide à la levée de fonds avec :

  • une redirection de l’épargne des français vers l’investissement dans les start-ups innovantes,
  • un accès facilité à la commande publique (jusque 100 k€),
  • une aide à l’embauche (volet social ouvert à plus de start-ups : abaissement du seuil R&D des JEI à 5%, notion de Jeune Entreprises de Croissance, JEC).

Par contre, il n’y aura ni CIR à la source (aide à la trésorerie), ni création du statut JEIR avec un volet social à 12 ans. La notion de JEIR initiale est en toile de fond dans l’IR-PME avec un abattement à 50% pour les JEI dont le seuil R&D dépasse 30% et un abattement à 30% (au lieu de 25%) pour les JEI et JEC. Les critères de croissance pour la JEC sont attendus par décret au 1er trimestre 2024.

On reste donc pour 2024 sur un volet social de 8 ans pour les JEI y compris pour les JEC (seuil R&D à 5% et critères de croissance remplis).

A noter que le volet fiscal est supprimé pour les entreprises créées à partir du 1er janvier 2024, une mesure d’économie qui a fait l’unanimité.

Le C3IV : nouveau dispositif fiscal associant aide à l’investissement productif et transition écologique

A titre liminaire, il s’agit de ne pas confondre :

  • un éventuel CIR vert qui réserverait le CIR aux entreprises qui mèneraient des travaux de recherche en faveur de la transition écologique à opposer au CIR brun actuel,
  • avec le C3IV, ce nouveau Crédit d’Impôt en faveur des Investissements dans l’Industrie Verte.

Les projets de recherche pour l’un et de production pour l’autre sont a priori décorrélés.

 

Ce nouveau dispositif émane de la loi Industrie Verte (LIV) qui veut faire de la France le leader des technologies vertes nécessaires à la décarbonation. Ce nouveau crédit d’impôt, défini à l’article 35 (voir l’article sur le C3IV), est actif dès 2024. Après les échanges à l’Assemblée et avec l’UE, on reste sur :

  • les 4 secteurs initiaux, en excluant électrolyseurs et captage CO2 que le Sénat avait proposé d’ajouter,
  • les 3 catégories d’éléments à produire : les équipements, les composants essentiels et les matières premières critiques (un décret est à venir pour une liste exhaustive),
  • les 2 types de dépenses du texte initial, les actifs corporels (bâtiments, installations, équipements, machines, terrains) et incorporels (droits de PI) auxquelles on en ajoute un 3ème: les redevances en lien avec les autorisations d’occupation temporaire du domaine public (pour l’éolien en mer par exemple, les terrains font partie de l’espace public qu’il faut louer).

 

L’UE vient de valider la conformité du dispositif français avec le TCTF, avec :

  • un taux de base à 20% pouvant atteindre 60% selon la zone et la taille de l’entreprise
  • un plafond entre 150 et 350 M€ selon la zone.

Des prorogations pour différents crédits d’impôt dans des secteurs spécifiques

La loi de finances 2024 n’est pas venue proroger le CII (jusqu’en 2024 en l’état), le CIC (jusqu’en 2024 en l’état) ou la JEI (jusqu’en 2025), mais certains autres crédits d’impôts comme :

  • le CIMA pour les Métiers d’Art, jusque 2026 (article 66),
  • le CIPP pour la Production Phonographique, jusque 2027 (article 54),
  • le CISV pour les Spectacles Vivants, jusque 2027 (article 58),
  • le CI Œuvres Musicales, jusque 2027 (article 61),
  • le CI Cinéma International, jusque 2027 (article 56).

Un conditionnement des aides France 2030 à la publication d’un BEGES

La LoF 2024 est venue rappeler (article 235) que l’attribution de l’aide est subordonnée au respect de l’obligation de publication d’un Bilan de ses Emissions de Gaz à Effet de Serre (BEGES). Le décret d’application est en attente et les financements concernés sont ceux notifiés à compter du 1er juin 2024.

 

Auteure : Véronique Collin, Expert Fiscalité de l’Innovation

 

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